Travail en cours
La sueur et la terre
Se cramponner aux petits paradis et aux êtres libres.
Cette histoire commence un jour d’été dans un train Rennes-Guingamp, lorsqu’un homme d’une soixantaine d’année vient s’assoir à côté de moi. Il est fin, souriant, il porte les cheveux mi-longs et des plumes autour de la tête.
Il est plein d’énergie, comme bouillonnant et me raconte qu’il revient de la danse du soleil* en Dakota du sud.
*La danse du Soleil est une cérémonie sacrée (et le principal rituel) des Amérindiens des Plaines d’Amérique du Nord. Elle a lieu une fois par an pendant le solstice d’été, durant la pleine lune de fin juin ou début juillet.C’est un moment de purification collective ou chacun doit manifester sa générosité, son dévouement et sa force d’âme. Tous les danseurs portent des bracelets de sauge, une couronne et un sifflet fait d’un os d’aigle (l’oiseau sacré). Ce rite qui peut durer de 3 à 4 jours selon les tribus est accompagné de jeûnes et de visions.
Des années plus tôt, un homme médecine sioux est venu en Bretagne, porté par un rêve et l’envie de partager son savoir. Yves, alors agriculteur bio et professeur de Yoga fait sa rencontre. Il en a gardé les rites et une chanson offerte à sa famille, un chant de guérison qu’il utilise pendant les tentes de sudation. Nous empruntons le chemin au milieu des bois et nous arrivons dans une clairière. Les arceaux de la tente ont été montés et dans la matinée, il a fallu apporter les couvertures et recouvrir la tente de plusieurs épaisseurs. Il ne faut ni que la lumière rentre, ni que la chaleur ne s’échappe.Vers midi, tout le monde se donne rendez-vous autour du feu. Les pierres sont posées en dessous puis les bûches. Pendant que les pierres chauffent, nous fabriquons de petites prières, un peu de tabac est emprisonné dans un petit carré de tissus colorés et chaque morceau accroché à un fil de laine comme une grande guirlande. Ces prières seront déposées sur le feu pour que leur contenu brûle et s’envole vers les esprits. C’est l’heure de rentrer dans la tente, nous nous se déshabillons pour enfiler un maillot, une robe longue ou un caleçon. Nous nous asseyons tous autour des pierres puis la porte se ferme. Il fait soudainement très noir, un noir comme nous n’en avons pas l’habitude, un noir sans repère, sans début ni fin. La seule analogie qui me vient à l’esprit c’est la fenêtre d’un avion la nuit, lorsque vous regardez en bas, lorsque les lumières de la ville s’effacent et que l’extérieur est complètement noir. cette sensation totalement déroutante de ne plus avoir aucun repère. Mon coeur s’emballe, j’essaie de me rassurer car je ne peux plus sortir. Yves jette de l’eau sur les pierres brûlantes et l’air se remplit d’humidité. Il fait très chaud. Je mets une serviette sur mon visage car cela devient difficile de respirer, je me calme, il fait moins chaud. Yves continue de chanter puis jette à nouveau de l’eau chaude sur les pierres, il chante, je me concentre sur ma respiration.
Quatre fois la porte sera ouverte et d’autres pierres chaudes apportées. Quatre portes pour laver son corps, sa conscience, ses émotions puis se reconnecter au monde.
Quand nous sortons fumants et dégoulinants, de l’obscurité du ventre vers la lumière du jour, certains s’allongent sur le sol, d’autres marchent jusqu’à l’étang pour y plonger.